Texte de Sandrine ANDREWS, 2019 :

Pour Marion Bénard tout commence par un dessin, qu’il soit croquis rapide ou grand dessin plus abouti: « En général, je pars toujours des dessins, des aquarelles, des idées que je mets sur papier. Après, le besoin de réaliser des pièces bien réelles, en volume, arrive. Je ne m’interdis aucun matériau […] ». Le dessin est donc la base, le moteur déclencheur ce qui lui permet de mettre en place ses idées, croquis, réflexions, annotations montrent l’œuvre en train de se faire, d’être pensée. C’est donc un dessin qui reste attaché à son sens premier, celui de designo qui signifie dessin en italien et qui est l’expression selon Giorgio Vasari d’une représentation mentale « cosa mentale », d’une forme présente à l’esprit ou l’imagination de l’artiste, c’est aussi « une sorte de bibliothèque où poser les pensées » souligne l’artiste.

Puis le dessin se développe, il peut prendre taille humaine, pour devenir portrait en pied d’un homme, d’un animal, ou portrait d’un objet. Modèle humain, animal ou objet sont traités sur un même pied d’égalité. Il prend la taille des organes internes tels que des intestins, des poumons ou des bassins. C’est un dessin minutieux, détaillé qui lui demande beaucoup de temps. Un temps qu’elle veut prendre pour l'apprivoiser et se laisser apprivoiser par son sujet. Le dessin devient un passeport qui lui permet de passer d’un genre à l’autre, de créer des passerelles entre genre humain, animal et l’objet sans aucune restriction, créant ainsi dans son laboratoire de dessins des imbrications étranges.

Pour Marion Bénard, il n’existe pas de frontières entre les genres, les règnes, l’intérieur et l’extérieur, le dessin est explorateur, défricheur, incubateur. Il lui permet de créer des souches embryonnaires qui vont ensuite se développer ou péricliter… Le dessin fait aussi équipe, il devient le médium souple qui entre en contact avec d’autres média, tels que la sculpture, le ready-made, la marqueterie, y prenant une place plus ou moins importante. Il crée le lien entre le motif d’une chemise et le propriétaire imaginaire de cette même pièce de tissus. Il imite le papier peint ou la tapisserie pour devenir une métaphore de l’échange entre deux chaises qui semblent en conversation. Il devient la ligne dans le bois qui sera tracée en creux pour recevoir un fin dessin de bois. Il se pose sur l’objet quelque soit sa forme, son volume ou sa matière. Il se faufile entre des mains modelées pour accompagner le geste créatif et rappeler que la main de Marion Bénard n’est jamais loin de son dessin.